Selon l’art. 2, al. 2, let. g LDA, des photographies, des films et d’autres œuvres visuelles ou audiovisuelles peuvent être protégées par le droit d’auteur. Ce n’est toutefois le cas que quand elles remplissent les conditions de l’art. 2, al. 1 LDA, c’est-à-dire quand elles sont des créations de l’esprit, ont un caractère individuel et sont perceptibles par les sens.
Ce qui est d’abord déterminant, c’est que les photographies et les films aient été créés par un être humain qui a ainsi exprimé une volonté ou une idée (création de l’esprit). Des photos ou des films obtenus par un procédé automatique, tels que une webcam ou un appareil radar par ex., ne peuvent donc pas être des œuvres protégées.
Le nouvel art. 2, al. 3bis LDA étend la protection du droit d’auteur aussi aux photographies qui sont dépourvues du caractère individuel.
Une photographie est donc maintenant protégée par le droit d’auteur si elle remplit les conditions suivantes :
● la photo doit être une création de l’esprit,
● la photo doit montrer un objet tridimensionnel.
Ne sont pas des photographies d’objets tridimensionnels, et donc pas protégées, des photocopies ou autres reproductions de textes, plans, représentations graphiques ou autres documentations bidimensionnelles.
L’art. 2, al. 3bis LDA protège aussi les productions obtenues par un procédé analogue à la photographie d’objets tridimensionnels qui sont une création de l’esprit. Tel est le cas de clichés obtenus grâce à des techniques d’imagerie de transmission (par ex. infrarouge, rayons X et reproductions de négatifs).
Sauf que pour les photographies, pour toute autre œuvre il faut aussi se demander si un autre auteur, dans la même situation, aurait créé une œuvre identique ou semblable (caractère individuel) (cf. ATF 134 III 166, 172). Il ne s’agit pas seulement de la question du résultat, mais aussi des éléments de conception et de la marge de créativité du producteur.
Les œuvres audiovisuelles et multimédia sont généralement protégées par le droit d’auteur: grâce à leur structure et à leur complexité, elles satisfont très souvent à l’exigence de l’individualité. Il en va différemment quand l’auteur ou les auteurs ne font que copier la réalité exactement comme quelqu’un d’autre aurait pu le faire.
Page mise à jour le 1.4.2020.
À ENVISAGER
En plus d’être soumises au droit d’auteur qui protège le photographe ou les photographies, les photos de personnes sont soumises au droit à l’image, qui est un aspect des droits de la personnalité de l’art. 28 CC, et à la protection des données (art. 3 ss et 12 LDP, dispositions correspondantes des lois cantonales sur la protection des données, par ex. §3 ss et 9 IDG du canton de Bâle-Ville).
Le droit à sa propre image (art. 28 CC) protège la personne photographiée dans son droit à l’autodétermination – entre autres quant à savoir comment et où sa photo doit être publiée et mise en circulation. La condition d’une atteinte au droit à l’image est que la personne concernée se reconnaisse elle-même sur l’image (identification subjective) et que, tout aussi bien, d’autres puissent la reconnaître (identification objective). Toute atteinte au droit d’une personne à sa propre image est en principe illicite, et celui qui la subit peut à tout moment s’en défendre par différentes actions (action en prévention de l’atteinte, action en constatation et en cessation de l’atteinte, action en dommages-intérêts et en réparation du tort moral (art. 28a CC).
La loi connaît toutefois trois conditions en présence desquelles une atteinte n’est pas qualifiée d’illicite (art. 28, al. 2 CC ):
- quand, dans le cas concret, la personne photographiée consent expressément ou implicitement à l’utilisation de sa photo,
- quand il existe à cet égard un intérêt prépondérant, privé ou public,
- quand il existe à cet égard un motif justificatif dans la loi, c’est-à-dire quand il est écrit dans la loi qu’une utilisation correspondante d’une image est licite.
Les droits de la personnalité cessent en principe au moment du décès de la personne photographiée et ne sont ni cessibles, ni transmissibles par succession, c’est-à-dire que, quand la personne photographiée meurt, son droit à sa propre image s’éteint avec elle. Toutefois, à une époque où la commercialisation et l’attention attirée par les personnes célèbres ont fortement augmenté, la question se pose de plus en plus souvent de savoir si la protection de la personnalité doit s’étendre au-delà de la mort – comme pour les délais de protection des auteurs. Jusqu’à présent, seul le droit des proches de la personne décédée à la protection de sa mémoire est reconnu. Le sentiment de piété des proches est alors protégé quand la publication ou la mise en circulation de photos du cadavre portent atteinte à ce sentiment, ou également quand il est blessé par l’altération de l’image de la personne vivante (voir Büchler, Die Kommerzialisierung Verstorbener, dans PJA, 2003, p. 9 ss. )
Le droit à l’image est complété et exemplifié par la protection qu’impose la législation sur la protection des données contre le traitement illicite de données personnelles. Les données personnelles comprennent toutes les données qui se réfèrent à une personne identifiée ou identifiable (art. 3, let. a LPD); les photographies de personnes en font aussi partie. Selon la loi sur la protection des données, tout traitement de données personnelles (collecte, archivage, utilisation, modification, communication, destruction, etc.) est illicite lorsqu’il est fait contre la volonté de la personne concernée; il ne peut avoir lieu que si un motif le justifie. Les motifs justificatifs figurant dans le droit fédéral de la protection des données (art. 13 LPD) correspondent à ceux de la protection de la personnalité.
Souvent, plusieurs personnes participent de manière créative à l’élaboration d’œuvres audiovisuelles et multimédia (réalisateur, scénariste, caméraman, monteuse, ingénieur du son, productrice etc.). Sauf accord contractuel contraire entre les personnes concernées par le droit d’auteur, on se trouve devant une pluralité d’auteurs (art. 7 LDA). La situation est un peu différente pour les musiques de films. Il faut ici savoir si la musique utilisée dans le film avait déjà été composée avant la production du film ou si elle l’a été spécialement pour le film. Ce n’est que dans le second cas qu’il peut y avoir une pluralité d’auteurs. Dans le premier cas, le compositeur conserve son droit d’auteur initial.
De plus, si une œuvre préexistante est utilisée pour une œuvre audiovisuelle ou multimédia, par exemple un roman pour un film, ou un ancien film pour l’élaboration d’une œuvre pédagogique multimédia, on peut avoir affaire à une œuvre dérivée (art. 3, LDA). La même chose est valable pour la musique de film lorsqu’il s’agit de compositions qui sont nées indépendamment d’un film mais sont retravaillées pour lui.
BON À SAVOIR
Le Tribunal fédéral a dû se prononcer dans deux cas sur le caractère individuel de portraits photographiques au regard du droit d’auteur. Une fois, il s’agissait d’un instantané au sens large, représentant Bob Marley la crinière au vent (dreadlocks), pris sur le vif par un photographe suisse lors d’un concert en plein air (ATF 130 III 168). L’autre cas concernait une photographie de presse sur laquelle apparaît le lanceur d’alerte Christoph Meili en train de présenter deux gros livres, le corps du délit dans le contexte des «fonds en déshérence», dans une pose qui lui avait été demandée (ATF 130 III 714). Dans le cas de Bob Marley, le Tribunal fédéral est arrivé à la conclusion que le photographe n’avait pas vraiment pris un instantané, mais avait utilisé sa liberté de manœuvre, pressé sur le déclencheur exactement au bon moment et choisi un cadrage particulier, et que la photographie présentait donc suffisamment d’individualité.
La photo de Christoph Meili a été jugée différemment. Bien que, dans ce cas, la photographe n’ait manifestement pas pris un instantané, mais fait une photo posée et mise en scène, le Tribunal fédéral a refusé d’admettre que la photo avait l’individualité requise pour être protégée par le droit d’auteur. Le Tribunal fédéral confirme dans les termes suivants le jugement de l’instance préalable: «[…que] le cadrage et l’angle de vue donnent, dans l’original de la photo, un portrait frontal dimensionné pour que le visage de Meili et les deux folios qu’il présente apparaissent comme éléments centraux et pour que les titres des ces deux ouvrages puissent être lus sans problème; quiconque voudrait montrer que Meili s’est trouvé en possession de ces documents cadrerait ces éléments de la même manière; tous les autres éléments de technique photographique sont banaux et correspondent à ce qu’un simple appareil-photo aurait pu produire automatiquement; même la manière dont Meili montre les deux folios, le titre face à l’appareil, va de soi et correspond à ce que n’importe qui lui aurait demandé; […qu’enfin] la photo est éclairée au flash, comme elle aurait pu l’être par n’importe quel appareil-photo avec flash incorporé; la photo ne présente aucune autre particularité que son objet; celui-ci illustre un événement extrêmement inhabituel qui, à l’époque, a suscité un grand intérêt.» (ATF 130 II 714, 716). Ces deux arrêts du Tribunal fédéral montrent combien il est difficile pour notre cour suprême de se déterminer sur l’évaluation du caractère des photographies au regard du droit d’auteur. En fin de compte, il est incontournable d’étudier précisément le cas particulier. Si quelqu’un souhaite utiliser une photo, mieux vaut, en cas de doute, partir de l’idée qu’elle est protégée par le droit d’auteur et, par précaution, demander une autorisation, à moins que la photo ne fasse partie du domaine public. (Pour d’autres considérations, voir Hug Gitti, Bob Marley vs Christoph Meili: ein Schnappschuss, dans sic! 2005, p. 57 ss.)
ACTUALITÉ : Suite à la récente modification de la Loi sur le droit d’auteur, à partir du 1er avril 2020 cette photo de Meili est désormais protégée par le droit d’auteur. Le photographe ne peut pas faire valoir rétroactivement des prétentions sur les utilisations qui ont été faites jusqu’à présent, mais il faudra lui demander l’accord pour toute nouvelle utilisation, sous réserve des utilisations autorisées par la loi. Message du Conseil fédéral du 22.11.2017 relatif à la modification de la loi sur le droit d’auteur, pag. 588 ss ).
FAQ
Seulement à certaines conditions. elon la loi, toute publication de photos de personnes est illicite (art. 28 CC, art. 13 LPD), sauf en présence d’une des exceptions suivantes:
- la personne photographiée a consenti à être prise en photo;
- il existe un motif justificatif à cette représentation photographique, ou
- il existe un intérêt prépondérant, privé ou public. Il n’est possible de constater un intérêt public qu’en procédant à une pesée d’intérêts. Les intérêts opposés sont confrontés: ici, d’un côté l’intérêt de la personne photographiée à la protection de sa personnalité et à son droit de déterminer elle-même quand et où elle est photographiée; de l’autre côté, l’intérêt que présente sa personne pour le public. Ces deux intérêts doivent être pesés l’un par rapport à l’autre.
Cette pesée d’intérêts joue un rôle important dans la pratique. Il faut se demander à quel point la personne est importante pour le public. Plus la personne est importante pour le public, moins son consentement sera nécessaire. On peut à ce sujet observer ce qui suit:
- Si les personnes sont très importantes dans l’histoire contemporaine (personnes qui marquent le public par leur activité générale, par exemple le pape, le président des États-Unis, des artistes et musiciens mondialement célèbres etc.), une publication de leur photo est possible sans leur consentement.
- S’il s’agit de personnes publiques (de l’histoire contemporaine) qui ne sont au centre de l’attention du public que pour une période limitée, une publication de leur photo est éventuellement possible sans autorisation pendant la durée de leur célébrité.
- S’il s’agit de personnes «ordinaires» (par ex. le voisin, un collègue, un piéton etc.), un consentement est toujours nécessaire.
Dans le doute, il est toujours recommandé de demander l’autorisation.
Toutefois, pour la publication de photographies, il faut également toujours tenir compte du droit d’auteur du photographe.
Non, à moins que ces étudiants ne donnent leur accord.
Tout dépend de l’importance que revêt ce participant pour le public:
- Oui s’il s’agit d’une personne «ordinaire», non publique (par ex. d’une étudiante, d’un employé, etc.). Dans ce cas, il est illicite de photographier cette personne sans son consentement. Elle peut se défendre contre le «fait d’être photographiée» et, plus particulièrement, aussi demander que les photos soient effacées ou retirées (par ex. du site Internet de l’université), en s’appuyant sur la protection de la photographie des personnes en droit de la protection des données. Les photos sur lesquelles une personne est reconnaissable font partie des données sensibles sur sa personne (art. 3 LPD). Selon la loi sur la protection des données, tout contournement de ce principe, notamment l’acquisition de données, est illicite quand il n’y a ni consentement, ni intérêt prépondérant privé ou public, ni motif justificatif en vertu de la loi (art. 13 LPD).
- La réponse sera plutôt non si la personne est une personnalité publique au moins pendant une période limitée (par exemple une rectrice, une personnalité du monde économique, un politicien). Une personne que son activité rend éminente aux yeux du public doit supporter d’être photographiée dans la mesure où il existe un rapport entre sa célébrité et l’événement.
Si un portrait photographique est une création de l’esprit , qu’il a donc été fait par un être humain (et non, par exemple, par un photomaton) et présente un caractère individuel, donc que le photographe ne s’est pas contenté d’appuyer sur le bouton, mais a agi avec suffisamment d’éléments de conception et de marge de créativité (choix de l’objectif, de filtres, moment de la prise de vue, etc.), l’œuvre mérite d’être protégée par le droit d’auteur. Pour simplifier, on peut se demander si quelqu’un d’autre, dans la même situation, aurait pris la même photo ou une photo très similaire.
Dans ce cas, le caractère d’auteur ferait défaut.
ACTUALITÉ : Suite à la modification de la Loi sur le droit d’auteur du 2020, un portrait photographique est bien protégé par le droit d’auteur déjà du simple fait qu’il est une création de l’esprit, c’est-à-dire qu’une personne a appuyé sur le bouton, même si ce cliché est dépourvu du caractère individuel.