L’auteur a le droit de proposer au public, d’aliéner ou, de quelque autre manière, de mettre en circulation des exemplaires de l’œuvre (art. 10, al. 2, let. b LDA).
En principe, les auteurs ont le droit de déterminer si, quand et de quelle manière ils vont publier leurs œuvres (droit de divulgation). En outre, le droit de mise en circulation détermine la manière dont un auteur peut rendre son œuvre accessible au public. Il peut la proposer, la mettre sur le marché, la vendre, la prêter, la louer et également la donner. Le droit de mise en circulation recouvre toute forme de mise en circulation et l’étendue de la mise en circulation (par ex. nombre, tirage, durée et lieu – quand et où). Quant à savoir si l’objet mis en circulation est un original ou une pièce reproduite, ce n’est pas un élément essentiel (cf. Hilty, Urheberrecht, 2011, 135 s.).
Principe d’épuisement
Dans le contexte du droit de mise en circulation, le principe d’épuisement doit être suivi. Ce principe est réglementé à l’art. 12, al. 1 LDA et implique que les exemplaires de l’œuvre qui ont été aliénés une première fois par l’auteur ou avec son consentement peuvent l’être à nouveau ou, de quelque autre manière, être mis en circulation, librement.
En conséquence, si un auteur transfère sa propriété à un tiers (par ex. en la vendant, en l’échangeant ou en la donnant), ou s’il consent à un tel transfert, il a «aliéné son œuvre une première fois». Dans ce cas, le tiers peut, sans nouveau consentement de l’auteur, librement aliéner l’œuvre à nouveau (la vendre, la donner, l’échanger) ou la mettre en circulation d’une autre manière, par ex. la louer ou la prêter. Le principe d’épuisement restreint donc le droit de mise en circulation des auteurs, qui perdent ce droit en aliénant leur exemplaire de l’œuvre. Ils ne perdent toutefois pas d’autres droits – tous les autres droits d’utilisation découlant de l’art. 10, al. 2 LDA continuent d’appartenir aux auteurs, de même que les droits moraux.
Ex.: des œuvres tirées des archives qu’un artiste a données à une bibliothèque peuvent certes continuer d’être prêtées par la bibliothèque sans le consentement de l’auteur, mais celle-ci n’a pas le droit de reproduire les œuvres (droit de reproduction découlant de l’art.10, al. 2, let. a LDA). Si une œuvre parmi ces archives n’a encore jamais été divulguée par l’artiste, la bibliothèque n’a pas non plus le droit de la divulguer (droit moral découlant de l’art. 9, al. 2 LDA).
En principe, les auteurs ne sont pas indemnisés pour la perte de leur droit de distribution. La possibilité existe cependant pour les auteurs, aux conditions énoncées à l’art. 13 LDA, de percevoir une participation financière (pour plus de détails, voir «Bon à savoir: Exemplaires d’œuvres littéraires ou artistiques»).
Les cas où des auteurs ne transfèrent que l’utilisation de l’œuvre à un tiers, en particulier lors de la location ou du prêt, ne sont pas couverts par le principe d’épuisement. Si le tiers a une obligation de restituer l’œuvre à l’auteur, le principe d’épuisement ne s’applique pas et l’auteur reste seul titulaire du droit de mise en circulation.
BON À SAVOIR
Pour la location – la concession d’une utilisation à titre onéreux– d’exemplaires d’œuvres littéraires ou artistiques, il y a lieu, en vertu du principe d’épuisement de respecter la réglementation de l’art. 13 LDA . Selon le principe d’épuisement, la personne qui se voit accorder par un auteur la propriété de l’œuvre de ce dernier a également le droit de la louer contre rémunération. Or, l’art. 13, al. 1 LDA prévoit que cette personne doit verser une rémunération à l’auteur lorsque l’œuvre louée est un «exemplaire d’une œuvre littéraire ou artistique». Exemplaires d’œuvres littéraires ou artistiques
Seules des œuvres matérielles, donc des œuvres qui peuvent concrètement être confiées à un tiers dans le cadre d’une location (par ex. des livres, des CD etc.) et pour lesquelles il existe une obligation de restitution sont considérées comme des exemplaires d’œuvres littéraires ou artistiques. Les œuvres mises à disposition en ligne ne sont pas concernées par cette disposition.
En outre, l’œuvre doit être louée à titre onéreux (contre rémunération); il ne peut pas s’agir d’un prêt, car le prêt consiste à confier une chose à titre gratuit. Le principe est que l’auteur doit recevoir une participation aux produits de la location même lorsqu’il a renoncé à la propriété de l’œuvre. Mais les auteurs ne peuvent pas directement revendiquer cette rémunération; seule une société de gestion agréée peut exercer les droits à rémunération.
En pratique, cette réglementation s’applique surtout aux bibliothèques: en réalité, les bibliothèques prêtent gratuitement des livres (des «exemplaires d’œuvres littéraires ou artistiques»). Toutefois, la plupart des bibliothèques perçoivent une cotisation de membre ou d’utilisateur. Est-on pour autant en présence d’une «mise à disposition à titre onéreux» – c’est-à-dire que les bibliothèques tomberaient dans le champ d’application de l’art. 13, al. 1 LDA? On trouve une définition plus précise dans le Tarif commun (TC) 6a, «Location d’exemplaires d’œuvres dans les bibliothèques». Les finances d’inscription, les cotisations annuelles de membres ou autres taxes administratives ne sont pas considérées comme des indemnités (cf. ch. 1.4 TC 6a). Donc, si des bibliothèques perçoivent des cotisations annuelles de membres, ce qui est souvent le cas, elles ne sont pas soumises à l’obligation de rémunération prévue à l’art. 13, al. 1 LDA.
Aussi bien s’il s’agit d’une location (ou de la conclusion d’un contrat de bail, art. 253 CO) que s’il s’agit d’un prêt (ou de la conclusion d’un contrat de prêt, art. 305 CO), l’usage d’une chose est cédé à un tiers qui devra restituer cette chose. Une différence essentielle est toutefois qu’en cas de location, un loyer (ou une redevance) doit être versé(e) pour la chose, alors qu’en cas de prêt aucune rémunération n’est à payer.
FAQ
Selon l’art. 13, al. 1 LDA, les bibliothèques ont l’obligation de verser une rémunération lorsqu’elles-mêmes prêtent «à titre onéreux». Les mots «à titre onéreux» signifient «moyennant une indemnité», selon le terme utilisé aux chiffres 1.3. et 1.4 Tarif commun 6a, Location d’exemplaires d’œuvres dans les bibliothèques. Ce tarif a été convenu entre la société de gestion ProLitteris et les bibliothèques. Les bibliothèques qui prélèvent des indemnités pour leurs prêts doivent verser la rémunération prévue à l’ art. 13, al. 1 LDA à ProLitteris . La rémunération pour les livres se monte à 9% de l’indemnité payée par l’utilisateur (cf. chiffre 4.1, let. c TC 6a).
Auxsociétés de gestion – art. 13, al. 3 LDA. Seules les sociétés de gestion, et non les auteurs, peuvent exercer le droit à rémunération.
Oui, elles figurent à l’ art. 13, al. 2 LDA. Aucune rémunération n’est due pour:
Non, car il ne s’agit pas d’objets matériels. Seuls des objets matériels peuvent être mis à disposition «à titre onéreux» au sens de l’ art. 13, al. 1 LDA.
En ce qui concerne l’obligation de verser une rémunération en cas de location d’exemplaires d’œuvres littéraires ou artistiques, art. 13, al. 1 LDA.
Oui, c’est ce qu’on appelle l’épuisement international du droit d’auteur. Selon le droit suisse en la matière, l’acquéreur légitime de l’exemplaire de l’œuvre peut ensuite librement l’aliéner à nouveau ou le mettre en circulation d’une autre manière (la question est approfondie dans l’ ATF 124 III 321 ss.).
Non. L’acheteuse est certes devenue propriétaire de la photo, mais cette transformation de la photo est une modification au sens de l’ art. 11, al. 2 LDA . Le droit de modification appartient à l’auteur, il fait partie de ses droits moraux. Ceux-ci ne sont justement pas couverts par le principe d’épuisement.
En principe, une telle mention sur un exemplaire de l’œuvre n’a guère de portée, étant donné le principe d’épuisement et les exceptions au droit d’auteur. Les choses sont différentes si la photo n’a pas encore été divulguée par l’auteur et si l’auteur fait don de la photo en précisant expressément qu’elle ne doit pas être mise en circulation. Car c’est à l’auteur seul qu’appartient le droit de divulgation (art. 9, al. 2 LDA ); ce droit est un droit moral et n’est pas touché par le principe d’épuisement (cf. Barrelet, Egloff: Le nouveau droit d’auteur, 3e éd., 2008,art. 12, n. 9a et 10).
Non, car une œuvre ne peut être librement revendue ou valorisée d’une autre manière que si elle a été aliénée par l’auteur lui-même ou par un tiers avec le consentement de l’auteur. Ce n’est pas le cas pour une copie piratée (cf. Barrelet, Egloff: Le nouveau droit d’auteur, 3e éd., 2008, art. 12, n. 9).
Non, la mise en circulation d’exemplaires d’œuvres se réfère aussi bien à des reproductions (copies) qu’à des originaux (cf. Hilty, Urheberrecht, 2011, 135).